Le parchemin disparu de Maître Richard - Laetitia Bourgeois

Au cœur du Carême, le notaire de Saint-Clément est découvert chez lui, baignant dans son sang, son coffre à parchemins pillé. Chargé de l'enquête, le sergent de justice Barthélémy se trouve particulièrement démuni devant ce crime commis pour du papier. Sans savoir lire, il doit pourtant faire parler les écrits du notaire assassiné. Tandis que les villageois lui opposent une hostilité sourde et un silence opaque, son épouse, la guérisseuse Ysabellis, affronte elle aussi une situation périlleuse, où sa science de la médecine sera mise à l'épreuve... Disparitions inexpliquées et rivalités seigneuriales entachent le Gévaudan de l'an 1363, teinté d'une violence diffuse dont nul ne sort indemne.

J'aime beaucoup les policiers historiques, et après avoir lu le premier tome des enquêtes du sergent Barthélémy (Les deniers du Gévaudan), j'ai voulu continuer l'expérience avec le deuxième tome.

J'aime beaucoup cette série pour l'époque abordée, ainsi que la zone géographique : en effet, le droit médiéval, avec les différentes justices (basse, moyenne et haute), les chevauchements de seigneuries judiciaires qui faisaient qu'une même personne pouvait dépendre pour la justice de plusieurs seigneurs, sans compter les différentes seigneuries foncières, est quelque chose de complexe et de très intéressant ; en plus, le Gévaudan est une terre toujours influencée à l'époque par le droit romain, et où l'écrit prime sur l'oral, au contraire des pays plus au nord. On voit donc l'importance sociale du notaire qui est le gardien de la vie de la communauté.

L'enquête en elle-même est très bien menée, les indices disséminés un peu partout dans le roman, et l'intrigue autour d'Ysabellis finit par rejoindre l'intrigue principale, ce qui est agréable, et n'est de plus pas fait de façon artificielle. Mais c'est avant tout pour le contexte historique que j'ai aimé cette lecture.

On est donc à la fin de l'année 1363 (car le nouvel an se situait à l'époque au moment de Pâques), 15 ans après la première vague de la Peste noire, dans une campagne qui a été durement éprouvée, aussi bien par la maladie que par la guerre et les compagnies de routiers. Les paysans sont pauvres, pressés de taxes et de corvées par leurs seigneurs, et la survie un combat de tous les jours. Dans les champs, le recours aux manouvriers est systématique et les récoltes guerre assurées. Par chance, Barthélémy est le sergent d'un seigneur haut justicier, et sa survie ne dépend donc plus du temps et des récoltes, mais cela a un prix, qu'il n'est pas sûr de pouvoir payer. On est plongé avec lui dans le quotidien de l'époque, et de cette période particulière qu'est le Carême, avec ses interdits alimentaires nombreux et rigoureux, qui conduisent régulièrement les plus faibles à la tombe, mais aussi les solidarités (et les haines) villageoises, les combats des manants contre des seigneurs qui en réclament trop à leurs yeux, la crainte de Dieu et de la justice ecclésiastique (la langue trouée au fer rouge au troisième blasphème par exemple), ou les contraintes sociales pesant sur les femmes. C'est vraiment tout un monde qui revit sous nos yeux, loin de l'image sale et barbare qu'on a souvent du Moyen Âge.

Une vraie bonne enquête, donc, et un bon moyen de découvrir cette période historique, loin des manuels scolaires ou des livres d'histoire.